Chers paroissiens,
Bonne lecture Père Gérard.
L’amour qui donne à boire
92. Revenons aux Saintes Écritures, les textes inspirés qui sont le lieu principal où nous trouvons la Révélation. En elles et dans la Tradition vivante de l’Église, se découvre ce que le Seigneur lui-même a voulu nous dire tout au long de l’histoire. À la lecture des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament, nous recueillerons quelques-uns des effets de cette Parole au cours du long cheminement spirituel du Peuple de Dieu.
Soif de l’amour de Dieu
93. Selon la Bible, une abondance d’eau vivifiante était annoncée au peuple errant dans le désert et attendant la délivrance : « Dans l’allégresse vous puiserez de l’eau aux sources du salut » (Is 12, 3). Les annonces messianiques prennent la forme d’une source d’eau purificatrice : « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés […]. Je mettrai en vous un esprit nouveau » (Ez 36, 25-26). Cette eau redonnera au peuple une plénitude d’existence, telle une source qui jaillira du Temple et répandra la vie et la santé sur son passage : « Voici qu’au bord du torrent il y avait une quantité d’arbres de chaque côté […]. Partout où passera le torrent, tout être vivant qui y fourmille vivra […] car là où cette eau pénètre, elle assainit, et la vie se développe partout où va le torrent » (Ez 47, 7. 9).
94. La fête juive des Tentes ( Souccot), qui commémorait les quarante années passées dans le désert, avait progressivement pris le symbole de l’eau comme élément central, avec le rite d’une offrande d’eau chaque matin qui devenait très solennel le dernier jour de la fête : une grande procession se rendait au Temple où, à la fin, on faisait sept fois le tour de l’autel, et l’eau était offerte à Dieu au milieu d’un grand vacarme. [83]
95. L’annonce des temps messianiques se présentait comme une source ouverte pour le peuple : « Je répandrai sur la maison de David et sur l’habitant de Jérusalem un esprit de grâce et de supplication, et ils regarderont vers moi, celui qu’ils ont transpercé […]. En ce jour-là, il y aura une fontaine ouverte pour David et pour les habitants de Jérusalem, pour laver péché et souillure » (Za 12, 10 ; 13, 1).
96. Un côté transpercé, une fontaine ouverte, un esprit de grâce et de prière. Les premiers chrétiens ont inévitablement vu cette promesse s’accomplir dans le côté transpercé du Christ, la source d’où jaillit la vie nouvelle. En parcourant l’Évangile de Jean, nous voyons comment la prophétie s’est accomplie dans le Christ. Nous contemplons son côté ouvert d’où jaillit l’eau de l’Esprit : « Un des soldats, de sa lance, lui perça le côté et il sortit aussitôt du sang et de l’eau » (Jn 19, 34). L’évangéliste ajoute ensuite : « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé » (Jn 19, 37). Il reprend ainsi l’annonce du prophète qui promettait au peuple une source ouverte à Jérusalem lorsqu’ils regarderaient celui qu’ils auraient transpercé (cf. Za 12, 10). La source ouverte, c’est le côté blessé de Jésus-Christ.
97. Nous constatons que l’Évangile situe ce moment sacré précisément « le dernier jour de la fête » des Tentes (Jn 7, 37). Jésus proclame au peuple qui célèbre la grande procession : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. […] De son sein couleront des fleuves d’eau vive » (Jn 7, 37.38). C’est pour cela que son « heure » devait venir, car Jésus « n’avait pas encore été glorifié » (Jn 7, 39). Tout s’accomplira dans la fontaine débordante de la Croix.
98. Dans le livre de l’Apocalypse, le Transpercé réapparaît : « Chacun le verra, même ceux qui l’ont transpercé » (Ap 1, 7) ; tout comme la fontaine ouverte : « Que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie, gratuitement » (Ap 22, 17).
99. Le côté transpercé est en même temps le siège de l’amour, un amour que Dieu a déclaré à son peuple avec des paroles si variées qu’il vaut la peine de les rappeler :
« Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » (Is 43, 4).
« Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas. Vois, je t’ai gravée sur les paumes de mes mains » (Is 49, 15-16).
« Les montagnes peuvent s’écarter et les collines chanceler, mon amour ne s’écartera pas de toi, mon alliance de paix ne chancellera pas » (Is 54, 10).
« D’un amour éternel je t’ai aimée, aussi t’ai-je maintenu ma faveur » (Jr 31, 3).
« Ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur ! Il exultera pour toi de joie, il te renouvellera par son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie » (So 3, 17).
100. Le prophète Osée va jusqu’à parler du cœur de Dieu qui « les menait avec des attaches humaines, avec des liens d’amour » (Os 11, 4). À cause de cet amour méprisé, il pouvait dire : « Mon cœur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent » (Os 11, 8). Mais la miséricorde l’emportera toujours (cf. Os 11, 9), elle atteindra sa plus haute expression dans le Christ, parole ultime d’amour.
101. Dans le Cœur transpercé du Christ se concentrent, inscrites dans la chair, toutes les expressions d’amour des Écritures. Il ne s’agit pas d’un amour simplement déclaré, mais son côté ouvert est source de vie pour celui qui est aimé, il est cette fontaine qui étanche la soif de son peuple. Comme l’a enseigné saint Jean-Paul II, « les éléments essentiels de cette dévotion appartiennent aussi de façon permanente à la spiritualité de l’Église au long de son histoire ; car, dès le début, l’Église a porté son regard vers le Cœur du Christ transpercé sur la croix ». [84]




