Chers paroissiens,
Je vous laisse découvrir la suite de la lettre encyclique « DILEXIT NOS ». Bonne lecture Père Gérard.
Le feu
25. Là où le philosophe arrête sa réflexion, le cœur croyant aime, adore, demande pardon et s’offre pour servir à l’endroit que le Seigneur lui donne de choisir pour le suivre. Il réalise alors qu’il est le “tu” de Dieu et qu’il peut être un “je” parce que Dieu est un “tu” pour lui. Le fait est que seul le Seigneur nous offre de nous traiter comme un “tu”, toujours et à jamais. Accepter son amitié est une affaire de cœur et nous constitue en tant que personnes au sens plein du terme.
26. Saint Bonaventure disait qu’en fin de compte, on doit demander « non pas la lumière mais le feu ». [17] Et il enseignait que « la foi est dans l’intellect de manière à provoquer le sentiment. Ainsi, le fait de savoir que le Christ est mort pour nous ne reste pas une connaissance mais devient nécessairement sentiment, amour ». [18] Dans cette ligne, saint John Henry Newman a pris pour devise la phrase « Cor ad cor loquitur », parce qu’au-delà de toute dialectique, le Seigneur nous sauve en parlant à nos cœurs à partir de son Sacré-Cœur. Cette même logique faisait que pour lui, grand penseur, le lieu de la rencontre la plus profonde, avec lui-même et avec le Seigneur, n’était pas la lecture ou la réflexion, mais le dialogue priant, cœur à cœur avec le Christ vivant et présent. C’est pourquoi Newman a trouvé dans l’Eucharistie le Cœur de Jésus-Christ vivant, capable de libérer, de donner un sens à chaque instant et de répandre en l’homme une paix véritable: « Ô très Sacré, très aimant Cœur de Jésus, tu es caché dans la Sainte Eucharistie et tu bats toujours pour nous. […] Je t’adore donc avec amour et crainte, avec une affection fervente et une volonté soumise et résolue. Ô mon Dieu, quand tu condescends à me permettre de te recevoir, de te manger et de te boire, et à faire de moi pour un moment ta demeure, oh ! fais battre mon cœur à l’unisson du tien. Purifie-le de tout ce qui est terrestre, fier et sensuel, de tout ce qui est dur et cruel, de toute atonie, de tout désordre, de toute perversité. Remplis-le de ta présence, afin que ni les événements de la journée, ni les circonstances du temps présent n’aient le pouvoir de le troubler ; mais que, dans ton amour et dans ta crainte, il puisse trouver la paix ». [19]
27. Devant le Cœur de Jésus vivant et présent, notre esprit comprend, éclairé par l’Esprit, les paroles de Jésus. Notre volonté se met donc en mouvement pour les mettre en pratique. Mais cela pourrait rester une forme de moralisme autosuffisant. Sentir et goûter le Seigneur, et l’honorer, est une affaire de cœur. Seul le cœur est capable de mettre les autres facultés et passions, et toute notre personne, dans une attitude de révérence et d’obéissance amoureuse au Seigneur.
Le monde peut changer à partir du cœur
28. Ce n’est qu’à partir du cœur que nos communautés parviendront à unir leurs intelligences et leurs volontés, et à les pacifier pour que l’Esprit nous guide en tant que réseau de frères ; car la pacification est aussi une tâche du cœur. Le Cœur du Christ est extase, il est sortie, il est don, il est rencontre. En Lui, nous devenons capables de relations saines et heureuses les uns avec les autres et de construire le Royaume de l’amour et de la justice dans ce monde. Notre cœur uni à celui du Christ est capable de ce miracle social.
29. Prendre le cœur au sérieux a des conséquences sociales. Comme l’enseigne le Concile Vatican II, « nous avons tous assurément à changer notre cœur et à ouvrir les yeux sur le monde, comme sur les tâches que nous pouvons entreprendre tous ensemble pour le progrès du genre humain ». [20] Car « les déséquilibres qui travaillent le monde moderne sont liés à un déséquilibre plus fondamental qui prend racine dans le cœur même de l’homme ». [21] Face aux drames du monde, le Concile nous invite à revenir au cœur, expliquant que l’être humain, « par son intériorité, dépasse l’univers des choses : c’est à ces profondeurs qu’il revient lorsqu’il fait retour en lui-même où l’attend ce Dieu qui scrute les cœurs (cf. 1 S 16, 7 ; Jr 17, 10) et où il décide personnellement de son propre sort sous le regard de Dieu ». [22]
30. Cela ne signifie pas qu’il faille trop compter sur soi-même. Prenons garde : rendons-nous compte que notre cœur n’est pas autosuffisant, qu’il est fragile et blessé. Il a une dignité ontologique mais, en même temps, il doit chercher une vie plus digne. [23] Le Concile Vatican II déclare également : « Quant au ferment évangélique, c’est lui qui a suscité et suscite dans le cœur humain une exigence incoercible de dignité », [24] mais pour vivre selon cette dignité, il ne suffit pas de connaître l’Évangile ni de faire mécaniquement ce qu’il nous commande. Nous avons besoin de l’aide de l’amour divin. Allons vers le Cœur du Christ, le centre de son être qui est une fournaise ardente d’amour divin et humain et qui est la plus grande plénitude que l’homme puisse atteindre. C’est là, dans ce Cœur, que nous nous reconnaissons finalement nous-mêmes et que nous apprenons à aimer.
31. En définitive, le Sacré-Cœur est le principe unificateur de la réalité, car « le Christ est le cœur du monde ; sa Pâque de mort et de résurrection est le centre de l’histoire qui, grâce à Lui, est histoire de salut ». [25] Toutes les créatures « avancent, avec nous et par nous, jusqu’au terme commun qui est Dieu, dans une plénitude transcendante où le Christ ressuscité embrasse et illumine tout ». [26] Devant le Cœur du Christ, je demande au Seigneur d’avoir à nouveau compassion pour cette terre blessée qu’Il a voulu habiter comme l’un de nous. Qu’Il répande les trésors de sa lumière et de son amour, afin que notre monde, qui survit au milieu des guerres, des déséquilibres socioéconomiques, du consumérisme et de l’utilisation antihumaine de la technologie, puisse retrouver ce qui est le plus important et le plus nécessaire : le cœur.




